Atlast#2 Défloraison: la soirée insolite
Le printemps se fait désirer et avec lui bourgeonne des labels de créations hybrides qui régalent nos yeux et réchauffent nos oreilles. A l’image d’Atlast et ses soirées placées sous le signe de l’hybride. La prochaine, Atlast#2 Défloraison, aura lieu le samedi 6 mai à La Marbrerie de Montreuil, unissant musique transe, acrobaties, chants, exposition… Rencontre et mise en lumière avec Charles Vairet, le créateur de ces délicieux mélanges.
Comment peut-on faire le lien entre ta création actuelle et ton parcours ?
J’ai fait des études de gestion des entreprises culturelles, à l’Université de Dijon au début des années 2000. Je savais déjà à l’époque que j’avais très envie de travailler en compagnie, et j’ai découvert le cirque. J’ai adoré ! J’y ai trouvé une forme artistique qui me branchait à fond. Pour le côté hybride, certes c’est du cirque mais dedans il y a de la danse, de la musique… J’ai toujours préféré ce qui se mélange à ce qui est pur. Puis j’ai bossé 12 ans en production de spectacles et accompagnement d’artistes. A différents degrés, avec un bureau de production, en indépendant. J’ai accompagné un certain nombre de créations, de l’idée, à la première, puis en tournée. Essentiellement du cirque contemporain. En même temps je faisais un peu de programmation de festivals, notamment à Dijon. L’idée de créer un label date de mes années d’études. Je me suis réellement lancé dans le projet Atlast il y a 3 ans, quand j’ai eu envie de continuer la production tout en développant mes propres idées artistiques.
Qu’est-ce que cette chose étrange ?
Atlast, comme indique le sous-titre, est un label de créations vivantes qui existe depuis novembre 2015. J’avais envie de créer une identité qui soit là pour porter différents projets. Une identité forte, construite autour de l’hybridité, toutes les formes produites sont toujours entre tel et tel genre/univers. Ce sera toujours du mélangé, de l’hybride, du bâtard, de l’ambigu. A l’image de la première production du label, Le Circaète, inspiré d’une BD de Manu Larsenet, qui s’appelle Presque. Un spectacle sortit en novembre dernier, qui croise la BD, le théâtre, la musique live et la vidéo.
Depuis 2016 tu organises les soirées Atlast, la seconde, Atlast#2 Défloraison, aura lieu samedi 6 mai à la Marbrerie, de quoi s’agit-il ?
Ce sont des projets artistiques en soi. Il y a une unité de lieu, toujours au même endroit. Pour l’instant, Atlast #1, l’an dernier et la seconde, le 6 mai prochain, ont lieu à la Marbrerie de Montreuil. Une ancienne marbrerie industrielle qui a été réhabilitée par une boite de prod. Ce n’est pas complètement un théâtre ni complètement une salle de concert. Le format du lieu est lui-même étrange, surprenant.
L’idée à terme, que je construis petit à petit, au fur et à mesure des nuits Atlast, c’est de prendre conscience du présent. Ce qui se passe lors d’une Atlast ne vaut qu’à ce moment-là. Cela vaut pour les publics comme pour les artistes. Ces derniers ne jouent pas ce qu’ils jouent d’habitude. Ils vont adapter leur proposition ou créer une forme nouvelle.
Qui sont ces artistes ?
Au programme d’Atlast #2: performance acrobatique, jonglage, danse, des chanteurs arméniens, un groupe qui fait de la transe, construit autour de la batterie, une sorte de musique très proche de l’électronique mais avec des instruments. Un solo de batterie, Ar Ker, assez dingue. Jonathan Foussadier, un mec au parcours assez surprenant, qui a fait pleins de graffitis, notamment à Paris. Danseur, jongleur, poète, il écrit des textes et va dire des choses pendant toute la soirée. Un court-métrage, une expo de photos. L’artiste Johan Bichot va créer une danse acrobatique pour la soirée. Dans le cadre de cette proposition, j’ai envie de lui faire rencontrer un musicien. Une rencontre qui va se jouer à l’impro, en live ! Sandrine Juglair, une acrobate de cirque qui fait du mât chinois, est aussi grande comédienne-clown-acrobate, qui a fait un spectacle qui s’appelle Diktat. Là, elle va faire une forme dérivée de ce spectacle… Il s’agit d’être toujours dans une forme de surprise, ne jamais mener les gens dans une direction claire, remettre en question. Chacun est libre de prendre ce dont il a envie. Tu as le temps de choisir tout en mangeant un bout, en buvant des coups.
Quelle est la particularité du concept Atlast ?
J’agis dans le but de fédérer les gens autour de l’idée “c’est un événement spécial”, ce que vous vivez là, vous ne le vivrez pas ailleurs. Personne ne montre, à un autre moment, ce qui est montré à ce moment-là. Je trouve qu’en général les choses sont hyper cadrées, qu’il manque des endroits dotés d’un vrai espace de liberté. A défaut d’être riche, d’arriver avec des moyens colossaux, de vendre des tickets qui coûtent une fortune alors que les gens n’ont pas de pognon, le but est d’arriver à fidéliser et construire une identité qui se situe un peu ailleurs.
Cet ailleurs là, pour moi c’est le rapport à l’imaginaire, la création… Après je ne demande pas au public d’avoir un chemin intellectuel. Le but c’est qu’ils s’éclatent ! J’ai envie que les gens en prennent plein la tronche et qu’ils kiffent. Dans ce contexte-là, je me donne comme ambition d’être exigeant. Je crois que tu peux montrer des choses vraiment pointues, voire même presque ardues, à beaucoup de gens, en sortant du circuit médias spécialisés. Même si j’aime aussi ça, ce qui envoie du lourd et les médias cadrés. Je pense que si tu crées le contexte, tu peux montrer des choses vraiment en dehors des clous à 500 personnes. Les nuits Atlast sont pensées pour des grandes jauges.
Le 6 mai, à La Marbrerie de Montreuil, c’est Défloraison, un mot qui compte 0 au scrabble et absent du dico ?
“Défloraison”, j’aime l’ambiguïté du mot ! Il engage quelque chose de trouble, voire même sexuel, violent. Un mot qui ne veut rien dire. On retrouve l’ambiguïté sur la “défloration”, l’idée de floraison, du printemps. S’agit-il “des floraisons” au pluriel ? On ne se l’explique pas. Il y a aussi un marqueur de temps : la défloraison de l’instant présent. Un rapport à l’identité qui est important. La soirée a lieu le 6 mai, la veille du second tour des élections présidentielles. Ça a du sens, il y a un système de valeurs idéologiques et politiques, qui est sous-entendu. Un “Viens kiffer la life avant de t’en prendre un gros dans le cul”. Je ne le dirais sans doute pas comme ça lors de la soirée mais ce sera surement le ressenti.
Quel est le ton musical de Défloraison ?
Ce sont les productions Carton Records, Ar Ker et Parquet. Parquet c’est du dancefloor, du gros son qui se danse. C’est de l’électro sans machines. Ar Ker, ce sont des jouets, amplifiés, bidouillés, batteries, machines. Un délire global un peu transe.
Et pour les prochaines, une idée de lieu ? A Paris ? En France ?
Ou carrément ailleurs ! Dans mon parcours professionnel, j’ai eu l’occasion de voyager. Si j’ai l’opportunité de monter une nuit Atlast à l’étranger, je trouve ça génial ! On peut faire ça aussi, créer un espace de rencontre avec des artistes du pays en question. Les soirées Atlast sont numérotées, il y a l’idée de suite, de progression. Elles sont également nommées, pour provoquer un imaginaire.
Et après ?
En parallèle, le label Atlast a beaucoup de dates, en avril, on a participé au festival Pulp à la Ferme du Buisson. Là on est sur le projet d’une nouvelle création, Sisi Summer. Projet entre incarnation, chant et musique. Mené par Adeline Walter, artiste qui se réapproprie le personnage de Sisi l’impératrice. Hyper romantique et sur-acidulée, en même temps profondément tragique. Elle se sert de cette matière pour créer une forme, sorte de concert où la chanteuse sera Sisi Summer. Le tout accompagné de vidéos, projections, ce sera très théâtralisé.
Pour les prochaines Atlast, j’ai déjà imaginé les thèmes. Il y en aura une sur les gens extraordinaires, en dehors de la norme. J’ai envie de parler des super-, des extra-, des alter-, pour parler des vrais, des normaux, qui n’existent pas. Une autre qui portera le nom d’une ville asiatique… Un voyage à suivre de près.
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