Capharnaüm : le réalisme de la misère
Un quartier sale de Beyrouth, comme il en existe des dizaines au Moyen-Orient, où se croisent la détresse humaine des libanais et des réfugiés venus par centaines de milliers. Tel est le décor de Capharnaüm, prix du jury au Festival de Cannes, qui ne laisse pas le spectateur indifférent.
★★ : Excellent
Le film commence par le procès des parents de l’acteur principal, Zain, 12 ans, qui les accuse de l’avoir mis au monde sans pouvoir correctement s’occuper de leur famille, dont sa soeur favorite mariée de force à 11 ans. Il est défendu par une jeune avocate incarnée par la propre réalisatrice de Capharnaüm : Nadine Labaki. La force de ce petit garçon en lutte contre cet environnement hostile va irradier tout le film. Une force qu’il tire de son propre passé d’enfant des rues, où Nadine Labaki l’a repéré alors qu’il avait seulement 7 ans.
Elle décrit la misère sans jugement, aussi bien pour les parents que l’on voit bien victimes de leur propre jeunesse et de leur éducation que pour le système étatique complètement dépassé par les événements. L’accusation viendra néanmoins contre les exploitants de la misère en dénonçant les trafiquants d’êtres humains, faisant miroiter l’Europe à une population totalement déboussolée. Mais, mêmes ces derniers sont à peine moins pauvres.
Une rencontre touchante
Selon le Haut commissariat aux réfugiés, environ 1,9 million de personnes vivant au Liban ont le statut de réfugié, faisant du pays celui qui a le plus haut taux de réfugiés au monde, principalement des Palestiniens et Syriens. Le point d’orgue de Capharnaüm se trouve d’ailleurs dans la rencontre de Zain avec une jeune réfugiée éthiopienne, Rahil, travaillant comme femme de ménage dans une fête foraine et s’occupant en secret de son bébé qu’elle cache pour ne pas qu’on lui enlève. Le petit Zain devient alors un baby-sitter d’infortune dans ce trio étrange. Une harmonie familiale finit même par se dégager jusqu’à ce que l’inévitable arrive : l’arrestation de Rahil par la police, sans des papiers qu’elle ne pouvait pas se payer au marché noir. Zain se retrouve seul avec le bébé, essayant par tous les moyens de subvenir à ses besoins sans pleinement y parvenir…Touchant !
On vous conseille de ne pas passer à côté de ce film de Nadine Labaki qui a nécessité trois ans d’enquête et sollicité une équipe d’acteurs totalement amateurs, pleine d’authenticité.
« Capharnaüm est une fiction dont tous les éléments sont des choses que j’ai vues et vécues au cours de mes recherches sur le terrain. Rien n’y est fantasmé ou imaginé, au contraire, tout ce qu’on y voit est le fruit de mes visites dans des quartiers défavorisés, des centres de détention et des prisons pour mineurs, où je me rendais seule, dissimulée sous ma casquette et mes lunettes » explique la réalisatrice.