Festival Télérama – Café Society
Musique jazz des années 60, générique noir et blanc qui crépite un peu, première scène aux tons sépia, a priori cette réalisation d’Allen Stewart Königsberg – plus connu sous le nom de Woody Allen – ne surprendra pas par son originalité.
Café Society reprend en effet les schèmes habituels du cinéaste américain. Le film raconte la vie de Bobby, interprété par le talentueux Jesse Eisenberg, principalement connu pour son rôle dans « The Social Network » où il joue Mark Zuckerberg. Désœuvré à New York, sans perspective au sein d’une famille juive un peu en dehors du coup, il souhaite donner à sa vie un nouveau départ en s’installant à Hollywood.
Pour faire son trou au sein de l’eldorado du cinéma mondial, il compte bénéficier de l’aide de son oncle Phil, producteur à succès à Los Angeles. Un peu vaniteux au premier abord et ne sachant que faire de ce neveu ringard et encombrant, Phil lui confie finalement des tâches subalternes à accomplir et l’introduit dans son monde de privilégiés. Surtout, il lui fait rencontrer Vonnie, sa secrétaire dont Bobby tombe instantanément amoureux. Hélas, le cœur de celle-ci semble pencher déjà pour un autre homme qui au bout du compte s’avère être Phil. Mais les jeux ne sont pas faits et l’insistance de Bobby pourrait bien se révéler efficace.
L’intrigue posée, Woody Allen fait ensuite ce qu’il sait faire de mieux : parler d’amour et accumuler les quiproquos. On ne peut qu’apprécier. Cela dit, pour une fois, on ne sait pas exactement où il veut nous emmener, et c’est avec grand plaisir que l’on découvre progressivement une profondeur inattendue dans Café Society.
« Dreams are just dreams » soupire Vonnie à Bobby. Vraiment ? Phil en tout cas, après moult tergiversations quitte finalement sa femme pour demander Vonnie en mariage, alors même que celle-ci envisageait de vivre à New York avec Bobby. Cette décision difficile et risquée remplit Phil de bonheur à l’inverse de Vonnie qui se demande plus tard si son choix de la sécurité était finalement le bon. Entre choix du cœur et prudence, Woody Allen, lui, semble plaider en faveur de la première option. L’ultime scène met ainsi en parallèle les solitudes respectives de Bobby et Vonnie un soir de nouvel an. Café Society, une ode de la prise de risque en amour ? Peut-être pas, mais le film force au moins le spectateur à se poser la question de ce que lui aurait fait à la place de Vonnie.
Pa ailleurs, Woody Allen, fidèle à ses habitudes filme la haute société bourgeoise américaine avec ce mélange ici très réussi entre approbation et moquerie. C’est comme si dans ses films, il ne pouvait s’empêcher de mettre en scène ces élites raffinées tout en restant en restant lucide sur leur superficialité. Une satire qui va parfois peut-être trop loin et il est parfois difficile de prendre les personnages au sérieux, tant leur naïveté est confondante.
Enfin, les personnages secondaires savoureux comme les deux beaux-frères notamment, le gangster et le communiste, et les paysages urbains charmants parachèvent l’ensemble. New York qu’il ne semble pas se lasser de filmer est représenté sous son plus beau jour, en particulier quand Bobby et Vonnie se retrouvent dans un Central Park coloré et désert après une nuit sans sommeil. New York apparaîtrait presque paisible.
Un film réellement agréable en somme qui, grâce à cette once de sérieux fait plus que divertir. Et c’est déjà une satisfaction en soi pour un intellectuel un peu rétro mais indémodable qui tourne en moyenne un film par an.