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Free love : Chronique d’une mort annoncée*

L’investiture aux élections américaines révèle une Amérique bien moins encline aux changements sociétaux timidement promus par Obama, et une éternelle césure en matière de progrès en termes de genre. Le sujet choisi par Peter Sollett est donc presque audacieux quand on regarde le niveau de certain débats (Donald Trump avril 2015 : « Un grand nombre de gens vont en prison et ils en sortent homosexuels. Alors, que s’est passé là-dedans? Posez-vous la question?« ) et la possible régression dans l’égalité des droits. Mais, si Free Love est l’histoire d’amour entre deux femmes, qu’a priori tout oppose – milieu social, âge, style – son style pudique ne nous amène pourtant pas à nous révolter avec les protagonistes, comme le provoquent pourtant les grandes causes.

Pourquoi les gays ne pourrait-il pas vivre normalement ? Pourquoi l’amour ne serait pas la condition ad hoc pour l’égalité des droits ? A la question « Quel serait ton rêve de bonheur ? » posée par Lauren (Julianne Moore), Stacie (Ellen Page) répond qu’avoir une maison, une personne qui l’aime et un chien suffit, « je n’ai pas de grands rêves, juste de petits rêves ». Alors aussitôt l’histoire d’amour enclenchée, c’est ce petit rêve qui se met en place : l’achat d’une maison et l’acquisition d’un chien parachèvent la construction d’un bonheur commun. Or, Lauren, inspecteur du New Jersey, apprend qu’elle a un cancer et que sa compagne étant une femme ne pourra pas toucher la pension due au conjoint à la mort de celui-ci.

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C’est alors la rupture dans la diégèse du film : le romantique laisse place au tragi-comique. L’apparition de l’acteur Steve Carell, en défenseur juif des droits homosexuels, amène une touche humoristique au film sur laquelle on se précipite tant le pathos devenait lourd. Inspiré d’une histoire vraie, le film célèbre le droit aux homosexuels de jouir des mêmes droits devant la loi. Sujet on ne peut plus actuel en France, quand on voit les débats sociétaux qu’a provoqué la loi Taubira et l’acharnement de l’association Promouvoir contre le film La Vie d’Adèle. Ce dernier nous montrait l’amour à vif, passionnel quand Free Love nous le montre raisonnable et pragmatique.

Malheureusement le style du film est lui aussi trop raisonnable. Si on connaît une Julianne Moore allant au plus intime de ses personnages, jusqu’à faire oublier l’actrice elle-même (The Hours, Maps to the Stars…) et saluée par de nombreux prix (Still Alice), son incarnation d’une femme homosexuelle carriériste et sentimentale n’est malheureusement pas à sa hauteur. Les deux actrices sont peut-être « trop bien » pour ce long-métrage, mais le sujet du film et l’audace dans un univers cinématographique très masculin de porter deux femmes en tête d’affiche, restent à saluer.

* Reprise du titre de Gabriel Garcia Marquez, Chronique d’une mort annoncée, 1981