« Fric-Frac » : argot et vieilles dentelles !
Une fois de plus, Michel Fau adapte une pièce des années 1930 haute en couleur !
Un quatuor dans une guinguette
Quatre cordes sur scène : Loulou (Julie Depardieu), un femme de joie, plus intelligente qu’elle ne le laisse le paraître. Jo (Michel Fau), un de ses copains, fort en gueule mais pas courageux pour deux sous. Marcel (Régis Laspalès), un employé de bijouterie, naïf et touchant. Et enfin, Renée (Emeline Bayart), la fille du patron de la bijouterie, à tendance vieille fille hystérique et amoureuse transie.
C’est sur cette dernière comédienne qu’il faut attirer l’attention. Il suffit d’entendre le public – seul juge terrible – quand Emeline Bayart entre en scène et commence son numéro: l’assemblée est pliée en deux. Elle est depuis longtemps sur les planches mais il aura fallu attendre le cinéma et le « Bécassine » de Bruno Podalydès en Juin 2018 pour que le grand public découvre cette fabuleuse comédienne qui possède un talent comique à la Maillant. Le second acte est une pure scène de grotesque où Renée cherche à montrer son amour à Marcel tout en le virant de la bijouterie de son père. Scène de jalousie jouissive! Emeline Bayart part dans des sommets de colère et de contradiction qu’elle assume à 100%. Elle joue tout au 1er degré et ce décalage ne peut que nous ravir.
On parie qu’à la rentrée 2019, un théâtre l’aura débauchée pour la mettre en scène dans un boulevard dont elle tiendra le premier rôle.
Il serait cependant injuste d’oublier ses trois autres compères qui n’ont déjà plus rien à prouver. Le 4e acte où les deux hommes se mettent une murge avant d’aller cambrioler la bijouterie est un bijou de comédie ! N’oublions pas aussi les personnages secondaires, notamment le propriétaire de la bijouterie et son second employé qui sont tout aussi farfelus.
Malgré un premier acte où la mise en route est un peu fastidieuse, dû à la faiblesse du texte sans doute, les suivants sont un enchaînement de situation des plus cocasses dont on ne saurait trop en dévoiler ici. L’argument tient en quelques mots, Loulou, Jo, Marcel et Renée pique-niquent ensemble près de la forêt de Marly. Loulou, aimée de Marcel, va se servir de ce dernier pour cambrioler la bijouterie du père de Renée pour envoyer de l’argent à son fiancée en prison. Le « Fric-Frac », cambriolage en argot, va tourner au vinaigre. Tout cela sans compter la bêtise de certains et l’ivrognerie d’autres.
On rigole beaucoup dans cette comédie portée par une belle distribution !
Expressionnisme
Michel Fau ne s’en cache pas, il refuse l’épure, la petit chose, le théâtre de l’entre soi. Il cherche le faste, la couleur, la vie qui déborde : tout, sauf un naturalisme dans lequel le public se complaît. C’est au contraire dans l’excès que la vérité triomphe au théâtre. Ainsi, les décors très colorés font penser à un mélange d’expressionnisme allemand, de cubisme et de technicolore.
On regrette par moment que Michel Fau n’aille pas encore plus loin dans la farce comme il a pu le faire dans ses spectacles précédents. Il aurait gagner à jouer davantage avec des décors qui « cassent » et à être plus encore dans l’extravagance.
C’est un spectacle pour lequel il ne faut point bouder son plaisir !
Pour découvrir le spectacle, c’est ici !
« Fric-Frac», d‘Edouard Bourdet, mise en scène de Michel Fauavec Régis LASPALÈS, Michel FAU, Julie DEPARDIEU, Emeline BAYART, Georges BÉCOT, Fabrice CALS, Yannis EZZIADI, Antoine KAHAN, Audrey LANGLE, Roland MENOU
