Un Homme Pressé : Fabrice Luchini à contre-emploi

Nous avons eu le privilège de voir en avant-première le nouveau film d’Hervé Mimran : un Homme Pressé, avec Fabrice Luchini et Leïla Bekhti, son actrice fétiche, également à l’affiche du Grand Bain de Gilles Lellouche. Un grand patron français fait un AVC : est-ce une malédiction ou un signal salvateur ?

Le film est inspiré de l’histoire d’un PDG français de l’automobile, Christian Streiff, qui a cherché à cacher sa maladie pendant plus de 3 mois – avec l’aide de PSA afin d’éviter l’effondrement en bourse de l’action -, puis a lutté plus de 3 ans pour retrouver ses pleines capacités intellectuelles. Hervé Mimran a tenté au mieux de comprendre et de s’imprégner des conséquences symptomatiques de la maladie, en se renseignant notamment auprès d’orthophonistes. Sa quête de l’authenticité le poussant à vouloir retranscrire les prodromes de ce choc, que sont la perte de mémoire et du langage.

Un comble, et un défi, pour un comédien en verve comme Fabrice Luchini qui occupe avec brio ce rôle à contre-emploi de son jeu habituel. Aux détours des dialogues, qui ne veulent plus rien dire, il parvient à faire rire par un comique de situation justement dosé, sans jamais déconcerter son auditoire.

Ne jamais s’arrêter

Un Homme Pressé est du pain béni pour aborder une critique du mode de vie néolibérale, conduisant les individus à toujours se dépasser s’ils veulent rester dans l’élite économique, et ce, au détriment même de leur propre santé. Luchini est ainsi dans le déni complet de son propre mal : seul compte son travail dans lequel il s’est jeté à corps perdu suite au décès de sa femme.

A corps perdu et à la limite de la tyrannie pour ses salariés. On reprochera à Hervé Mimran de ne pas avoir voulu faire dans la nuance, en donnant dans les stéréotypes du grand patron égocentrique et insensible. Celui qui ne dit jamais merci. En bref, le parfait salaud. Cette description sert bien sûr la comédie et plaira aux familles venant voir le film en fin d’année, mais la ficelle est un peu trop grosse.

Sans se reconnaître dans ce « PDG très autoritaire, méprisant », Christian Streiff note un véritable changement de personnalité depuis son AVC dans une interview au Monde : « C’est vrai, je laisse davantage de place à l’émotion, admet-il. Avant, je la bridais. J’avais acquis une certaine dureté, c’est obligatoire quand vous dirigez 200 000 personnes. » Hervé Mimran raconte cette reconnexion au réel du personnage principal. De la terrasse d’un café parisien à une longue marche vers Saint-Jacques-de-Compostelle où il renoue enfin avec une fille trop longtemps délaissée par l’affection paternelle. Une belle ode à la vie et à ses plaisirs élémentaires.

Fondateur du site artjuice.net, passionné par les nouveaux médias et la culture contemporaine.