Interview d’Antoine Monegier du Sorbier : paroles d’un graphiste
Pour aiguiser notre regard sur la discipline, nous avons rencontré le graphiste Antoine Monegier du Sorbier. Recueil des paroles et de l’expérience d’un graphiste.
Pour toi, c’est quoi le graphisme ?
Un vecteur qui permet de mettre en relation un public avec au choix une marque, une initiative, un concept, une œuvre… en utilisant des symboles, des formes, des typographies, des mots, des photos, etc.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir graphiste ?
Le dessin. Au départ, je souhaitais devenir dessinateur et je ne comprenais pas bien ce qu’était le graphisme. C’était comme du dessin, mais pas vraiment… Je ne voyais pas de valeur ajoutée. Et c’est en intégrant une école de communication visuelle, dans le but de devenir illustrateur, que j’ai vraiment découvert le métier et que le virus a commencé à agir.
Freelance ou en agence ?
Être freelance offre une certaine liberté (parfois très relative) dans le choix des projets, les horaires, ou encore la démarche de travail. Cela permet également de traiter directement avec certains clients, d’exprimer plus ouvertement sa créativité, de ne pas être contraint par un collectif. On apprend à organiser son temps pour accomplir toutes les tâches administratives, comptables, voire même commerciales. Le plus gros inconvénient est sûrement la rareté du travail en équipe. On est souvent seul face à la feuille blanche, tandis que travailler en groupe amène une émulation, une dynamique, bénéfique à la création.
En agence, on est amené à travailler en groupe. Au moins en petite équipe. Gros point positif. Après, les libertés créatives sont relatives à la culture graphique de l’agence et/ou de son Directeur de Création, voire de beaucoup d’autres personnes… Point positif, le boulot tombe tous les jours, on est tranquille pour le salaire, pas de prises de tête administratives, etc. Par contre on est très, voire trop encadré, pas de liberté sur les choix de projets, il s’agit souvent de se fondre dans le moule culturel de l’agence et de ses politiques internes.
Etre graphiste en 2017, ça correspond à quoi ?
Toujours se renouveler et rester au contact des nouveaux vecteurs de communication qui changent et se démultiplient.
Qui sont les graphistes que tu affectionnes particulièrement ?
Le maître, la légende… Saul Bass : le Blow Up des génériques de Saul Bass. L’homme qui a révolutionné les affiches et les génériques de films, avec une approche hyper moderne et graphique (comme personne à l’époque), dans l’utilisation d’icônes, d’illustrations et surtout de typographies. Il a également amené une modernité incroyable dans les logos qu’il a créé, avec des designs ultra simples et graphiques qui ont amené une force et un impact de dingue à tout ce qu’il faisait. Preuve à l’appui: la plupart des marques pour lesquelles il a travaillé dans les années 60 ou 70 ont à peine modifié leur logo depuis… Warner, Minolta, Geffen, Quaker, AT&T, United Airlines et Continental Airlines (jusqu’à ce que les deux compagnies fusionnent), Lawry’s… C’est fou comme il a posé toutes les bases de l’animation de génériques et d’une partie du design graphique moderne.
Et aussi un beaucoup plus jeune (et surtout vivant) : Alex Trochut. Il mélange design graphique, illustration et typographie d’une manière très neuve, avec des formes hyper organiques. Il se renouvelle constamment, tente de beaux projets comme Think Twice. En motion, j’aime énormément Fraser Davidson. Il n’a pas la dimension des deux premiers cités, mais c’est un motion designer anglais dont j’affectionne particulièrement le style d’illustrations et le rythme qu’il met dans ses animations. C’est toujours extrêmement bien pensé et superbement réalisé. Il a créé un studio de motion design, Cub Studio avec Ben Skinner, un expert en marketing digital.
As-tu déjà travaillé à l’étranger ?
Une fois, à Dubaï. L’occasion s’est présentée alors que je travaillais chez Landor Paris, entreprise internationale avec plus de 25 bureaux partout dans le monde. J’ai été amené a travailler sur des refontes de marques, des projets de logos. Une sacrée expérience ! Dubaï est ultra cosmopolite, très influencée par l’origine britannique des premiers expatriés. Cela se ressent dans l’approche du design, avec un travail important sur l’épure, la typographie. Le rendu parait ultra simple et tellement bien fait qu’à chaque fois tu te prends une petite claque. C’était une chouette expérience, professionnelle et humaine, nous étions une vingtaine d’expatriés. Un petit carrefour du monde. Cela m’a permis de rencontrer des personnes avec qui je n’aurais sans doute pas eu l’occasion de travailler par ailleurs, un partage unique de la richesse des cultures. J’ai également pu constater que la culture d’entreprise était identique, à Paris comme à Dubaï, ce qui permet de se sentir encore « chez soi », même à l’autre bout du monde.
Peux-tu nous présenter une création ?
Animation de logo pour VISA
Crédit: Antoine Monegier du Sorbier.
Avec l’équipe, on est parti d’un logo que Visa avait déjà développé. On a considéré que le point orange était l’élément graphique fort de ce logo, on a capitalisé dessus. Le point ressort depuis un fond orange, se démarque, et se dédouble en d’autres points de couleurs différentes. Cela représente la simplicité et l’adaptabilité de ce service de paiement en ligne sécurisé, les points qui se font écho et qui dansent les uns autour des autres pour le dynamisme et l’efficacité de la méthode. L’axe majeur demeurant la simplicité d’utilisation.
Découvrez le portfolio d’Antoine !