Interview d’un producteur de Rap : Loda French

Producteur d’instrus pour de nombreux rappeurs, LodaFrench est un jeune beatmaker plein de ressources qui a notamment séduit Niska dans l’hexagone sur le titre  « Guevaraché »

Quand est-ce que tu as commencé à produire des sons ? Tu as eu un déclic ou alors c’est plus le fruit du hasard ?

J’ai découvert le monde de la production en 2008 mais j’ai vraiment commencé à composer mes premières instrus (achat de matos, composition de mes premiers beats etc..) en 2010.

En fait, je ne sais pas si on peut appeler ça un déclic, mais j’ai toujours été un très gros consommateur de musique hip hop, le genre de gars qui ne se baladait jamais sans son MP3… Du coup, à un moment j’ai ressenti le besoin de créer mes propres sons.

Comment ça se passe la création d’une instru ? peux-tu nous décrire le process ?

Parfois, je commence par les drums puis je pose les accords puis la mélodie. Je peux aussi partir d’une mélodie, puis je l’harmonise et je termine avec les drums. Il n’y a pas vraiment de règle dans la création.

Quelles sont tes inspirations et tes influences ?

Dr dre, Pete rock, T-minus, Dj thoomp, The neptunes, Timbaland …il y’en a tellement ! Ils m’ont tous inspiré à un moment donné ou un autre.

Comment fais-tu pour vendre tes instrus ?

Je vends mes instru via mon site internet  https://lodafrenchbeats.com.

En gros, tu vas sur le site, tu choisis parmi un large catalogue d’instrus dans différents styles, tu sélectionnes une licence d’exploitation en fonction de tes besoins et tu reçois instantanément un lien pour télécharger le beat. C’est aussi simple que ça.

J’utilise aussi beaucoup Youtube, comme levier de promotion car c’est gratuit et très puissant…

Quel est le morceau dont tu es le plus fier à ce jour ?

C’est un morceau que j’avais composé en 2013 et qui s’appelait « Fast Life ». C était à l’époque où le style de Toronto commencé à faire parler de lui grâce à des gars comme T-Minus ou autre Noah Shebib. Bizarrement, je n’ai jamais sorti ce beat au grand jour, il est toujours au chaud sur mon disque dur.

Quel est le premier beat que tu as placé ?

Le tout premier était un beat pour un rappeur/Youtuber polonais. Le morceau à d’ailleurs fini disque d’or et compte aujourd’hui plus de 10 millions de vues sur YouTube.

Tu produis surtout pour le rap FR ou US ?

90% de mes beats sont vendus à l’étranger, beaucoup aux USA mais aussi en Allemagne, en Pologne, au Brésil etc..   C’était d’ailleurs un souhait et c’est la raison pour laquelle j’ai créé mon site en anglais. Je ne voulais me fermer aucune porte et rendre accessible ma musique au plus grand nombre.

Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

En ce moment je kiffe bien Mura Masa je trouve qu’il apporte quelque chose de frais ! J’écoute aussi beaucoup les sons d’ATL (ndlr : Atlanta) et encore et toujours les gars de Toronto : Sean Leon, Jazz Cartier, Derek Wise …

On ne semble pas voir la fin de l’âge d’or du rap, toujours aussi populaire et de plus en plus transgénérationnel, qu’en penses-tu ? Comment vois-tu le mouvement dans 10 ans ?

Je pense qu’il faut faire la différence entre l’âge d’or en terme de qualité artistique et l’âge d’or en terme de popularité auprès du grand public.

En termes de qualité des emcees et des productions, l’âge d’or est clairement derrière nous. Il y a évidemment pleins de bons rappeurs qui continuent d’écrire des textes de qualité, mais ce n’est clairement plus l’élément clé sur lequel ils construisent leur carrière.

Aujourd’hui, le style, l’attitude et l’instru sur lequel ils vont poser font 90 % du taff. Avec auto-tune, Melodyne et des prods de plus en plus minimalistes, tout le monde a la possibilité de potentiellement faire un hit. Souviens-toi de Soulja boy qui avait fait un carton à l’époque ou plus récemment de tout le mouvement « mumble rap ».

Je pense qu’internet a joué un rôle capital dans la transformation de l’industrie musicale. Avec l’avènement du streaming, les usages ont changé. On est rentré dans une consommation «snacking».  Un son sort, il est consommé pendant quelques mois et on passe au suivant… du coup avec cette abondance de l’offre la jeune génération se lasse vite, elle entend mais n’écoute plus.

Paradoxalement, je pense que le rap n’a jamais était aussi populaire qu’aujourd’hui. Ce  n’est plus qu’un simple courant musical, c’est devenu un vrai phénomène mondial (c’est d’ailleurs la musique la plus écoutée au monde selon Spotify). Je pense que ça va continuer dans ce sens. Les rappeurs vont prendre de plus en plus de « risques », se diversifier et parviendront à toucher un public de plus en plus large.

Fondateur du site artjuice.net, passionné par les nouveaux médias et la culture contemporaine.