Ismi Wax
-« Marhaba
– Marhabten, Shouismak?
– Ismi Gilles.
– Ahh! Wax! »
Voilà ce que j’ai subi un million de fois à peu près depuis mon arrivée ici! ça fait beaucoup rire Camille. En fait, « Gil » en arabe signifie gel (pour les cheveux), du coup, beaucoup ici m’appellent Wax (comme la cire wax). Ca fait un peu agressif comme surnom mais je vais m’en contenter. Après avoir été chez le coiffeur avec ma coupe Al-Qassam, tout le monde me dit: « Naiman! » Cela signifie un truc du genre, « t’es tout beau », ce à quoi il faut répondre « Inamalik ».
Je suis retourné avec les gars une deuxième fois à Jérusalem. Je ne connaissais la ville que grâce à des photos ou vidéos, ça fait vraiment quelque chose de voir la vieille ville en vrai, et cette cohabitation de gens si différents est assez bluffante. Souvent le seul dénominateur commun qu’on leur trouve c’est qu’ils sont tous hyper croyants.
On est également allé au mont des Oliviers, où il n’y a d’ailleurs plus beaucoup d’Oliviers. Les quelques uns qui subsistent en bas du mont seraient si vieux qu’ils auraient vu Jésus. En bas du mont, on visite tour à tour l’espèce de chapelle dans laquelle Jésus aurait pris son dernier repas, la Cène puis le tombeau de sa mère, la Vierge Marie. Encore une fois, je sens des regards agacés et aggressifs se poser avec intensité sur nous autres athées (aucun de nous 3 ne croit en Dieu). On se moque des Israéliens qui mettent des panneaux « interdit aux armes » devant l’entrée des lieux historiques. En effet, en Israël, il y a un nombre impressionnant de civils armés. Les colons fanatiques en Cisjordanie sont les pires de ce côté là.
En revenant du Mont des Oliviers, le plan de départ était de visiter l’un des nombreux musées de Jérusalem, tous plus intéressants les uns que les autres selon ma Bible à moi, le routard. Sauf que comme un gros malin, j’ai complètement oublié que le vendredi après midi, la plupart des trucs sont fermés… Le vendredi aprem, Shabbat commence, et d’une manière générale, le vendredi est le jour de repos des Musulmans. Le plan tombe à l’eau. Pour rattraper le fiasco, Camille nous montre un endroit permettant d’accéder aux toits de Jérusalem, un endroit calme, peut-être le plus calme depuis que j’ai quitté la France. Ce qui caractérise vraiment Jérusalem quand on est en hauteur, ou quand on regarde la ville de loin, c’est vraiment le dôme (jaune) du rocher. Il surplombe fièrement toute la ville.
Ensuite, nous trouvons un moyen d’accéder aux remparts en escaladant illégalement les pics de fer, un petit peu d’adrénaline, ça ne peut pas faire de mal! Il est maintenant temps de sortir de la vieille ville. On se dirige vers Jérusalem Ouest, et là clairement nous sommes revenus en Occident. J’hallucine un peu quand je vois qu’il y a un tram, du béton propre, des poubelles, etc. Les gars m’accusent de sioniste pour rigoler quand je commande une glace à un magasin israélien. Le pire c’est que leur stratagème marche presque, je me sens un peu coupable d’en prendre une. Le sentiment disparait vite quand on boit une bière ensemble sur une terrasse d’un café.
Cette semaine, j’ai rencontré Amsa, un gars vraiment intéressant, hyper ouvert. 27 ans, bonne carrure, 1,88m à vue jasonbournesque, belle gueule, il semble d’ailleurs avoir pas mal de succès avec la gente féminine. Il est casé avec une Suisse qu’il va voir assez régulièrement, il compte se marier avec elle dans un futur proche et obtenir la nationalité suisse. Il nous emmène avec ses potes boire des bières (lui ne boit pas vraiment) sur un point haut près de Bedjallah. On rigole beaucoup car ses potes sont un peu saouls et nous sommes 6 dans une petite voiture, mais c’est la Palestine donc tout va bien. Si du côté des moeurs, tout est règlementé, du point de vue du code de la route, c’est le bordel. A un moment, ils aperçoivent les flics au loin (en dehors du camp, les flics existent), le chauffeur tourne brusquement à droite pour faire contourner les flics malgré le panneau sans issue. Irrémédiablement, le détour se révèle… sans issue, demi-tour donc, accompagné de grands éclats de rire. Le chauffeur prend à gauche puis à droite, puis refait demi-tour finalement, haha c’est énorme, on est trop grillés. Il décide donc de passer devant les flics en espérant qu’ils ne nous arrêtent pas car les types ont pas mal bu et qu’on est toujours 6 dans la voiture. Camille est allongé sur nous avec un pull rouge, relativement voyant mais les flics ne nous arrêtent pas. C’est la Palestine. Déferlement de joie dans la voiture, on crie « Yakbir, Yakbir!!! »(Bien joué!!) à un tel point que par accident, le chauffeur active la radio par accident. OUCH! C’est le coup du lapin. Un bruit insoutenable juste derrière nos coups. Tout le monde est sous le choc. Une fois le son redescendu, on rit de plus belle. L’endroit où on arrive est assez impressionnant, on est assis sur un petit mur en dessous duquel c’est le vide, c’est la vallée. Malheuseusement, le moment est partiellement gâché par la musique dégueulasse qu’ils mettent (un article sera bientôt consacré à la culture palestinienne), française en plus. Lara Fabian – Je t’aime. Je ne ferai pas de commentaires.
On finit par partir car Amsa pense que dans les voitures qui rôdent autour, il y a un « Jéssousse », un espion palestinien à la solde des Israéliens. Il connait le type en question et le trouve vraiment étrange. On préfère s’en aller.
Je commence à m’attacher à la Palestine, à ses gens et à ses défauts (à mes yeux), il ne sera pas facile de partir.