Maldoror, le chant sublime de l’homme perdu
Que l’on connaisse ou pas « Les Chants de Maldoror », cette œuvre poétique et baroque du tout début du XIXème siècle, il faut bien avouer que cette adaptation théâtrale par Benjamin Lazar est inspirée. Cette nouvelle mise en scène du comédien au Théâtre de l’Athénée nous embarque irrémédiablement dans une fidèle lecture d’une œuvre singulière.
Maux dits
Incroyablement écrits par un jeune homme de 22 ans, Le Comte de Lautréamont, Isidore Ducasse de son vrai nom, ces différents chants sont avant tout l’expression d’un poète maudit qui mourra deux ans après avoir écrit ses maux. Visions hallucinatoires d’un nihiliste absolu, « Les Chant de Maldoror » se révèlent tour à tour métaphoriques et effrayants par le créateur de la Compagnie de l’Incrédule.
Drapés de soi
« Les Chants de Maldoror » sont déclamés par Benjamin Lazar avec d’abord une précision qui met en valeur la puissance des mots, la construction du rythme et sublime cette évocation de la cruauté du monde et des hommes. Puis peu à peu, le personnage de Maldoror nous apparaît comme autant de fragments poétiques, dans un décor simple de chambre sombre, qui n’est pas sans rappeler la chambre de la métamorphose de Kafka. Le comédien se saisit alors pleinement du texte et nous embarque dans son interprétation d’une œuvre dont il saisit tout à fait le surréalisme. La création sonore de Pedro Garcia-Velasquez et Augustin Muller ajoute à l’ensemble une beauté à laquelle on ne reste pas insensible.
Benjamin Lazar enchante ce texte avec une sincérité et une volonté qui nous tient. Il nous plonge dans les abimes d’une tempête au fond du vieil océan dont la profondeur est interdite aux hommes. Rappel incontestable et moderne de notre condition humaine. Non dénués d’humour noir, ces chants se drapent d’une poésie particulière où la lumière apparaît toutefois, au travers de figures superbes de notre pantin-comédien qui passe de costumes en costumes en prenant la mesure des mots pour les graver en nous. Les tableaux de fleurs, les jeux d’ombres à travers l’installation d’un large drap-écran projetant les images de la nature amènent une grâce surprenante, peut-être éloignée de la cruauté des chants pour les connaisseurs. Mais peu importe, au final, car Benjamin Lazar propose et nous disposons. Et l’implacable nous séduit et nous donne envie de (re)découvrir « Les Chants de Maldoror ».