Mia Madre, le dernier Nanni Moretti triste et émouvant
Une foule d’ouvriers en colère se rapproche de plus en plus de la ligne formée par les CRS. La confrontation est engagée, les coups volent, certains tentent d’escalader le grillage, les lances à eau aveuglent les grévistes, les… « Coupez ! Coupez ! » s’exclame alors Margherita, la réalisatrice du film.
Déjà, dès cette scène introductrice, on perçoit chez notre personnage principal un désarroi qui ne nous quittera plus du film. Mia Madre, un film de Nanni Moretti – réalisateur italien primé à Cannes en 2001 pour La Chambre du Fils et également réalisateur d’Habemus Papam – c’est l’histoire d’une réalisatrice dont le film piétine. Elle et son équipe de tournage ont recruté un Américain – interprété par John Turturro, sublime dans la majeure partie de ses interventions – qui peine énormément à interpréter ses scènes et bute sur la quasi-totalité de ses tirades. En parallèle, notre réalisatrice a d’autres préoccupations. Les poumons de sa mère sont en sale état, ce qui l’oblige à lui rendre visite très fréquemment à l’hôpital. Enfin, au niveau conjugal, cela ne va pas fort non plus. Elle est célibataire depuis que son compagnon l’a quitté.
Dans tous les domaines, Margherita se sent dépassée. Son frère, interprété par Nanni Moretti lui-même comprend mieux les attentes de sa mère et lui cuisine des petits plats raffinés. Son ex-mari a des relations apaisées avec sa fille, tandis qu’elle adopte malgré elle, une posture de « mère fouettarde ». C’est presque comme si Margherita essayait inconsciemment d’entrainer sa fille, son frère, ses collègues dans son mal-être.
Mia Madre est une allégorie d’une situation qu’a vécu Nanni Moretti lui-même qui lors du tournage d’Habemus Papam, fut contraint d’effectuer des allers-retour entre le lieu du tournage et l’hôpital. Se sentant coupable de n’avoir pas été assez présent pour sa mère, il s’était promis de faire un film sur elle. Ainsi, Moretti n’occupe pas le premier rôle ici, ce qui est plutôt surprenant au regard de ses précédentes réalisations, mais pas décevant, le rôle principal étant parfaitement rempli par Margherita Buy. Moretti retransmet à merveille la tension intérieure palpable chez Margherita et les sentiments des personnages en général. « Ce qui comptait, c’était de raconter des émotions » dira-t-il dans une interview à Télérama.
Pour noircir un peu le tableau, on pourrait critiquer une certaine forme d’inertie dans le personnage de Margherita, qui n’arrive pas à se sortir de ses obsessions et de ses schèmes mentaux, malgré les remises en question que ses proches et ses collègues l’invitent à effectuer. Tant d’obstination conduit parfois à l’exaspération. Il n’en demeure pas moins que Mia Madre reste un film d’une très bonne facture mais venant de Nanni Moretti, fallait-il s’en étonner ?