ONEGUINE (photo by Pascal Victor/ArtComPress)

“Onéguine”, chuchotement à l’oreille du spectateur

Dans un dispositif bi-frontal, Jean Bellorini met en scène la grande œuvre de Pouchkine dans la traduction d’André Markowicz. 5 jeunes comédiens illuminent ce texte en vers.

« Impatient de vivre et pressé de sentir »

« Eugène Onéguine est un esthète, qui aime le luxe et la fête. Tatiana, jeune fille noble de la campagne, belle et sombre, tombe amoureuse de lui, dans une forme de pureté et d’intransigeance douloureuse. Il l’éconduit avec une certaine indolence. Par désœuvrement, il séduit lors d’un bal la fiancée de son meilleur ami. Ce dernier, fou de douleur, le provoque en duel. Eugène le tue, malgré lui. Le sang du jeune homme teinte la neige de rouge… »

Les spectateurs sont invités à s’assoir sur l’une des deux estrades de chaque côté de la scène. Sur chaque place, un casque audio est posé. Le 1er comédien – déjà sur scène – alpague la foule et introduit ce qui va suivre. Chacun est alors invité à porter le casque audio. Une grande partie du roman sera interprétée par ces comédiens qui parlent donc dans des micros-cravates accompagné de sons et musiques, mixés en live par Sébastien Trouvé.

Intimité d’un studio d’enregistrement

Au-delà de la beauté du texte – et soulignons encore une fois le travail de traduction d’André Markowicz – c’est la disposition scénique qui intéresse. Entourer la scène, voir le visage des acteurs au plus près, mais également ceux des spectateurs en face, écouter la voix dans un casque. Autant de moyens qui invitent à entrer dans l’intimité des personnages : le spleen d’Onéguine, le tourment de Tatiana, la flamme de Lenski et la naïveté d’Olga.

Écouter les octosyllabes de Pouchkine dans le casque audio autorise le spectateur à s’abandonner et écouter les confidences des protagonistes qui touchent chacun à leur manière. La musicalité des vers, le travail sur le son et la musique, chaque élément sert le roman transposé sur scène sous nos yeux.

Des âmes russes errantes dans un siècle dont les prémices des bouleversements à venir sont inscrits dans une société malade. Le romantisme qui se dégage de cette histoire d’amour mort-né va de pair avec le cynisme et l’ironie.

Le dispositif est intelligent et participe à faciliter l’accessibilité de cette pièce en vers. Jean Bellorini l’a ainsi pensé mobile pour qu’Onéguine puisse être joué partout : dans un gymnase, une maison de quartier, un lycée. On ne peut souhaiter qu’une longue vie à ce spectacle qui touchera sans doute les adultes comme la jeunesse. Ce roman du 19e  raisonne encore dans notre époque tourmentée.

Au théâtre Gérard Philippe jusqu’au 20 avril.