Rone – l’intellectuel rêveur de la techno française
J’écoute Rone chez moi. Je repasse les tubes Bye bye Macadam, Sing Song. Je redécouvre Spanish Breakfast, So So So, un de ses premiers EP très dansant puis son nouvel album Mirapolis. Plein pot ! Dans la campagne où je suis à l’heure actuelle, pas de voisins. C’est d’ailleurs typiquement dans ce genre d’endroit que Rone – Erwan Castex de son vrai nom – a composé son dernier album ainsi qu’il l’explique dans le numéro de Trax de février dernier. Prenez une petite pause de 15-20 min dans votre journée trop rythmée pour écouter du Rone et revenir sur son parcours.
Commençons par la fin. Son dernier album, Mirapolis est sorti le 3 novembre 2017. Quand on l’écoute, on s’imagine plonger dans un univers de science-fiction, mais pas une SF K-Dickienne, dystopique. Sa musique reste douce, bienveillante, et un brin mélancolique. Rone serait-il un brin nostalgique du parc d’attraction Mirapolis au nord-ouest de Paris, fermé en 1991 ? L’artiste confirme en tout cas la référence et se souvient y avoir passé pas mal de temps dans sa jeunesse. Ce clin d’oeil à l’univers de l’enfance et du rêve est une constante chez Rone. Ses clips représentent toujours un monde imaginaire, à grands renforts de dessins animés. Pour autant, Rone affirme ne pas vouloir tomber dans le syndrome de Peter Pan, une sorte d’angoisse constante à l’idée de devenir adulte. Il considère plutôt ses souvenirs d’enfance comme de la matière première pour sa création artistique.
En tout cas, ce dernier album, plus encore que les autres, semble plus fait pour les salles de concert que pour les hangars sombres. Etonnant quand on sait que Rone a commencé à percer au Rex, un club pas forcément connu pour la tranquillité des sets des DJ. Intrigant quand on s’aperçoit que l’artiste a passé trois ans à Berlin, au cours desquels il a réalisé son premier succès vraiment international Tohu Bohu, qui ne ressemble pas particulièrement à la Komische, la techno berlinoise. L’artiste reconnait pourtant avoir pris une énorme claque la première fois qu’il s’est retrouvé devant Ben Klock au Berghain mais s’est refusé à s’inscrire dans le même registre. Parce qu’il le ferait moins bien mais aussi parce qu’il voulait sortir des codes de la techno, des carcans ralentisseurs de créativité.
Le natif de Boulogne Billancourt voulait faire quelque chose de différent, de réellement personnel. Du coup, c’est toute son originalité qui ressort dans ses tracks. On retrouve par exemple dans Bora sa passion pour la philosophie, dans lequel il utilise la voix de Alain Damasio, auteur de science-fiction. Dans cette tirade toute en musique, Damasio défend « la nécessité d’être, de refuser toute concession, de ne pas être surnuméraire« . Rone ne voulait pas être un DJ « de plus » parmi d’autres, n’ajoutant aucune plus-value à l’éventail des musiques électroniques.
On peine alors à expliquer l’influence de son passage par la capitale mondiale de la techno. La réponse la plus simple réside peut-être dans la créativité consubstantielle à la ville. A l’image de cet état d’esprit, il y a des lieux comme le Michelberger, repaire de musiciens et de créatifs. Un « lieu unique » selon Rone, qui échappe aux logiques du marché, où la quête permanente de la création et de l’échange ont remplacé celle de l’argent.
Le parcours de Rone conserve une grande part de mystère. Quelles raisons ont poussé un étudiant en cinéma, pas forcément un grand aficionado des clubs et plutôt branché jazz à devenir maître des platines ? Le moins qu’on puisse dire en tout cas, c’est à qu’il n’a pas trop mal réussi en la matière. Acclamé par la critique, remixé internationalement (beau remix de Parade ici), multipliant les collaborations comme dans Mirapolis, Rone reste pourtant fidèle à lui-même, plus indépendant que jamais.
Un artiste à ne pas louper au festival Panoramas le vendredi 20 avril à Morlaix ! Cet article fait partie d’une série d’articles liés au festival Panoramas.