« Tout ce qu’il me reste de la révolution » : une comédie politico-familiale touchante
« Pourquoi on est obligés de faire un boulot qui nous plait pas, pourquoi on vit comme on vit, pourquoi on doit faire du cash ? ». Tout ce qu’il me reste de la Révolution, c’est l’histoire du questionnement continu, névrosé mais sensé d’Angèle.
Fille de parents ex-militants communistes devenue une jeune urbaniste idéaliste, elle part du principe que la population mondiale vivant principalement en ville, le monde changera en construisant des rues, des parcs, des espaces publics « où les gens se rencontrent vraiment et créent des liens ». Mais seulement voilà, ses rêves prennent du plomb dans l’aile quand du jour au lendemain, ses patrons qu’elle croyait être de gauche décident de la remplacer par la première stagiaire venue.
Le mal-être de la jeune femme va alors éclater au grand jour pour ne plus s’arrêter. Repas de famille, relations amoureuses, réunions avec les militants, rien ne semble plus fonctionner sans qu’elle finisse par s’écharper avec ses interlocuteurs. C’est qu’Angèle est très à cheval sur ses principes dont elle ne démord jamais, quitte à provoquer l’ire des autres, y compris sa sœur Noutka, qui, à l’inverse d’Angèle a quitté ses habits de militantes pour ceux de « marketeuse » et a choisi pour mari un commercial plus porté sur l’argent que sur Karl Marx. Elle finit par aller crécher chez son père, un homme sympathique mais un peu hors du coup qui peine à suivre ses comptes et à payer ses factures tout seul. Quant à sa mère – interprétée par Mireille Perrier, magnifique – elle aurait mystérieusement disparu à la campagne, après la désillusion du gouvernement Jospin, celle de trop pour son combat politique.
On se retrouve ainsi plongé dans une histoire familiale assez touchante mêlant à la fois amour, politique et humour. Au-delà des apparences initiales, on s’aperçoit que tous les personnages galèrent dans leur vie, y compris ceux qui sont censés avoir « tout bien fait dans les règles », comme la sœur d’Angèle, malgré son 4×4 et son mari « qui fait du cash ». D’autre part, ce film est aussi une invitation pour tous les militants politiques à ne pas négliger les « frottements » de la vie, c’est-à-dire s’autoriser à avoir une vie de famille, des sentiments, des désirs, sans que cela ne soit vécu comme une réminiscence bourgeoise.
On pourrait reprocher au film des personnages un tantinet « monochromes », à l’instar par exemple du mari de Noutka qui n’avait peut-être pas besoin d’être aussi convaincu par les bienfaits du système actuel. Cela ne saurait gâcher l’ensemble convaincant. La jeune réalisatrice Judith Davis, aussi interprète principale de son film, signe là une comédie solide qui vous met de bonne humeur pour la journée !