Un conte de Noël, faites des familles !
Pour ceux qui connaissent et apprécient les mots du cinéaste Arnaud Desplechin et de son coscénariste Emmanuel Bourdieu, tous deux à l’origine du film « Un conte de Noël », ou pour ceux qui viennent les découvrir, la nouvelle mise en scène de Julie Deliquet se révèle être un moment en famille où l’épiphanie est de mise. Après « Fanny et Alexandre », Julie Deliquet a choisi de reprendre mot pour mot le texte d’« Un conte de Noël » et nous laisse pénétrer par le biais d’une scène bi-frontale dans l’intimité de la famille de Junon et Abel qui reçoivent leur enfants et petits-enfants pour Noël. Junon est atteinte d’un cancer. Pour la soigner, une greffe de moelle osseuse serait la bienvenue, même si elle ignore la probabilité d’être tout à fait guérie. Les seuls membres compatibles sont Paul (Thomas Rortais, d’une sensibilité désarmante) mais néanmoins instable adolescent de leur fille Elizabeth, et Henry, fils banni par cette même sœur pendant cinq ans, mais aussi le plus mal-aimé par sa mère, pauvre enfant jugé inutile. Le retour du fils est sujet au malaise, mais aussi à la joie des retrouvailles et à la nostalgie de la fratrie et de ses pièces rapportées. Cette nostalgie serait par ailleurs délicieuse si elle n’était pas révélatrice d’une histoire d’amour manquée…
Quelque fois inégale dans le rythme, peut-être en raison d’une volonté de fer de respecter le film, la pièce cherche sans cesse l’harmonie de cette troupe, nombreuse dans l’exercice du théâtre, et mise en abîme dans cette grande famille. Une certaine vérité s’échappe peu à peu de cette tragi-comédie, l’idée que l’on ne connaît que très peu les autres, encore moins son frère, sa sœur, sa mère, sa belle-sœur…
Le conte est bon
Avec des moments dont l’intensité traverse le théâtre entier, la réunion de famille tourne au règlement de compte, mais Julie Deliquet réussit à transcender la cruauté des situations en y amenant assez de tendresse pour nous accompagner tout au long de la représentation. Et l’on essaye de comprendre comment chacun des membres subit ses propres angoisses, sa tristesse la plus profonde et combat une solitude qui semble insurmontable.
Impossible de faire oublier l’incroyable casting du film d’Arnaud Desplechin, mais cette adaptation amène du vivant là où le cinéma effleure simplement l’âme humaine. Et dans cet immense et chaleureux salon de la maison familiale des Vuillard, unique et très beau décor de la pièce, Noël se joue littéralement, comme dans de nombreuses familles. Une réflexion très amère, souvent drôle, mais surtout d’une justesse bouleversante sur la décomposition, la recomposition et l’espoir que l’amour, toujours lui, parvient à rassembler les archipels d’un même tout que l’on nomme famille.